Laisser partir 

L’automne est une saison transitoire pendant laquelle on sent l’arrivée du froid, de l’hiver et d’une certaine façon, de la mort. On peut en effet sentir la fin de quelque chose, les arbres perdent leurs feuilles, et certains d’entre nous ont tendance à rentrer dans leur cave, pour se réchauffer, se tranquilliser, se retrouver. 
 
Ne faisant qu’un avec notre environnement, il est normal qu’on suive ces rythmes, sans poser trop de résistance. Seulement, pour nous qui vivons dans des cultures occidentales, citadines pour certains avec bruits et lumières artificielles, cela devient difficile. Et avec le temps, on a appris à avoir peur de ce retour à l’intérieur, peur de laisser partir quelque chose, peur de ce fameux « lâcher prise ». Au contraire, on a tendance à accumuler, à garder, à maintenir car au moins on sait ce qu’on a. On ne veut pas le perdre car on a peur de l’inconnu, même si on sait qu’on peut aussi y gagner. Cela se traduit aussi dans notre peur de la mort qui est le lâcher prise ultime! Et donc on s’accroche, encore et toujours, et ceci même quand on sait au fond de nous que ça nous pèse. On a beau savoir que tout est cyclique; qu’après l’hiver il y a la renaissance du printemps, qu’un échec est probablement une leçon qui nous ouvrira d’autres opportunités, qu’après la nuit il y a l’aube, il reste néanmoins difficile d’accepter la perte. 
 
Et si on changeait de perspective? Si le but n’était pas d’attendre que ça passe afin de renaître, de voir le jour, de trouver un autre travail mieux, d’accumuler quelque chose de nouveau? Si le but était de jouir de cette libération, de cette légèreté qu’offrent ces moments de perte et de retour vers soi? Il est vrai que laisser partir fait de la place pour le nouveau, et c’est nécessaire, mais ce serait plus facile si on trouvait une plénitude dans ce moment plus sombre et qui fait peur. 

Parfois, lâcher est tellement difficile qu’on repousse ce moment encore et toujours. On sait qu’un parent est malade et meurt à petit feu, on sent qu’une relation amoureuse ne fonctionne plus depuis des années, on sait que sa consommation excessive d’alcool ou de drogue affaiblit notre corps, ou encore, on croule sous la souffrance quotidienne qu’on subit à notre travail ou depuis la perte d’un être cher, mais on le vit. Changer nous semble trop difficile et on compte sur des moments éphémères de plaisir pour tout supporter et pour attendre que ça passe. Et ça continue. On vit, et on se dit qu’on est quand-même mieux ici qu’ailleurs, qu’on a quand même de la chance comparé à quelqu’un d’autre et on devient reconnaissant tout en continuant à vivre. On vit et on survit. Moi aussi, je repousse ce moment de lâcher prise, d’acceptation,  notamment concernant des décisions qui me semblent insurmontables. Alors je ne pense pas qu’il faille absolument se faire violence dans ces moments de fragilité. Par contre, on peut commencer par accepter ces moments avant de pouvoir lâcher ce qui ne sert plus, ce qui doit partir. Le lâcher prise viendra après, tout naturellement. Mais comment faire?

Le yoga m’a donné des outils simples pour accepter ces moments difficiles. C’est en les acceptant que je pourrai un jour laisser partir des choses que j’ai peur de perdre aujourd’hui. Tout d’abord, il s’agit de discipline. Un concept très cher à mon coeur. Il y a des années, j’ai fait le choix de me lever tôt et d’appliquer quelques techniques de respiration et de concentration, juste quelques minutes chaque matin. Pendant ce moment, je reste avec moi, avec le son de l’air qui entre et qui sort de mes narines, de ressentir les vibrations et les frétillements de ma peau et de mon âme. En silence. Parfois ça fait mal, ça fait pleurer, ça peut nous énerver, mais j’ai fait le choix de vivre ces moments. J’ai commencé par quelques minutes et au bout de quelques temps, lorsque j’ai senti les bienfaits de ces outils, j’ai augmenté le temps de cette bulle méditative. Mais pour cela, il faut faire le choix de se discipliner. C’est la première étape avant de laisser partir ce qui doit partir. 

Durant cette saison transitoire, de préparation à l’hiver, et de fin d’année, de fin de cycle, je t’invite à te discipliner, juste quelques minutes chaque matin. Réveille-toi avant le lever du soleil, même si tu n’as pas beaucoup dormi la veille. Sors de ton lit chaud et rince-toi le visage, déroule ton tapis et allume une bougie. Etire-toi ou fais deux ou trois salutations du soleil et puis assied-toi avec un châle autour de tes épaule. Respire par le nez et commence juste à ressentir ton corps. Laisse monter les émotions qui sont là mais qu’on a trop souvent tendance à contenir. Juste quelques minutes. Et puis, commence ta journée.  
 
Yoga Sha