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Quand le corps prend le dessus sur l’égo 

 

La quarantaine est le moment d’abandonner un ego sur-dominant et de contempler la signification plus profonde de l’existence humaine. 
– Carl Jung – 

 

Si vous avez l’habitude de lire mes newsletters, vous vous souviendrez peut-être que je suis tombée assez malade au début de cette année 2022; d’abord avec un mauvais COVID, lorsque j’étais clouée au lit avec une fièvre qui ne baissait pas pendant plusieurs jours, puis deux mois plus tard, avec une pneumonie qui a duré plusieurs semaines pendant lesquelles je me suis littéralement effondrée, physiquement et émotionnellement. Cette dernière expérience m’a poussée à m’arrêter, et à écouter les cris que lançaient mon corps. Ce que j’ai fait. Seulement, je ne savais pas à quel point mon corps allait commencer à gagner du terrain.

En effet, depuis mon enfance, comme peut-être beaucoup d’entre nous dans nos sociétés modernes, j’ai été élevée sous le règne de l’intellect, où l’important était de réfléchir, d’analyser et d’agir en conséquence. Evidemment, cela m’a servi tout au long de ma vie et je suis reconnaissante de cet apprentissage. Mais la pensée avait pris une telle place que j’en oubliais le corps, les sensations physiques et parfois même, mes émotions. Lorsqu’il m’arrivait de sentir ces choses, c’était soit pour en jouir le temps d’un magnifique moment, ou bien de les repousser dans un coin de mon subconscient afin de pouvoir continuer le chemin de mes réflexions, de mes ambitions et de mes projets. Toujours plus haut, toujours plus loin. 

Après une dizaine d’années de pratique du yoga, d’apprentissage de l’Ayurveda en général, de formations auprès de yogis, de discipline et d’enseignement, je commençais enfin à donner plus de place et de conscience à mon corps, et à son union avec la Nature et mon environnement. Et puis, suite à ma pneumonie en mars dernier, sans rien décider moi-même, mon corps a commencé à décider pour moi. Cela s’est d’abord traduit par un rejet plus substantif et durable de ce qui me fait du mal. En quelques semaines, je n’appréciais plus de boire de l’alcool aussi fréquemment qu’avant; je ne pouvais plus même goûter à la cigarette et je devenais encore plus sensible qu’avant à ma digestion, et encore plus sensible que jamais à mon sommeil. Alors, il est vrai que cette prise de conscience et ma discipline a commencé il y a déjà longtemps, mais je suis maintenant à un tournant. Mes amis les plus proches sont parfois étonnés de me voir ainsi et j’ai moi-même du mal à l’expliquer. Par moment, j’essaie encore, de manière sociale, de « suivre le flux » et de « profiter » d’un moment de détente avec mon cocktail préféré, mais je n’y arrive plus. Paradoxalement, je me surprends à regretter ces moments de « détente » et de légèreté que me procuraient ces petits plaisirs du moment de l’apéro par exemple. Mais c’est comme si mon corps rejetait en bloc tout ça maintenant et me poussait vers un autre plaisir grandissant en moi. 

Et ce plaisir est celui d’être moi, de revenir vers quelque chose d’oublié, de profond et de paisible. Le plaisir qui dépasse la sensation de joie, car lorsque je m’assois avec moi-même, que je respire et que je chante mes mantras, je deviens joie. Je ne ressens plus, je suis. Cela s’est même traduit dans ma pratique du yoga, pendant laquelle je me trouve à faire moins d’asana, ou bien juste ce qu’il faut pour ouvrir mes méridiens et me centrer, avant de m’asseoir en méditation. Sans efforts, mais après toutes ces années certainement, je retrouve plus facilement ce vide lorsque je ferme les yeux, et cet état de conscience où je me fonds avec le moment présent, avec ce qui est. 

Alors, bien sûr, il m’arrive de reprendre un verre de temps en temps, juste par plaisir sensoriel ou encore de m’oublier dans des discussions engagées  mais ces instants sont maintenant devenus l’exception, comme si les choses s’étaient renversées en dix ans. Je pense que c’est important de s’asseoir à un moment donné dans sa vie, pour faire le point sur l’importance que tu donnes à ton instinct, aux demandes de ton corps, puis à l’importance que tu donnes à ton mental, à l’image que la vie a faite de toi – à ton ego. Il n’est pas question de choisir un mode de vie ici et maintenant, mais il est nécessaire de te poser la question régulièrement pour te situer et te demander si cette place te convient ou pas. L’équilibre vers lequel porte le yoga est justement de trouver ton centre, en toi, mais aussi par rapport à ton environnement; savoir jouir de ta vie depuis l’intérieur, tout en trouvant l’harmonie avec le flux extérieur.

Sat Nam,
Yoga Sha